Soirée annuelle 2011 avec Thierry Carrel


Madame la Présidente du Grand Conseil,
Monsieur le Président du Conseil d’Etat,
Chers Musiciennes et Musiciens, Amis et Invités,

Quel honneur et quel plaisir aussi d’être votre invité ce soir à Fribourg. Honneur d’être aujourd’hui l’hôte de La Concordia, Corps de Musique officiel de la Ville de Fribourg, et plaisir d’être de retour pour cette soirée cordiale et amicale dans ma ville natale qui a apporté une contribution majeure à mon éducation scolaire, gymnasiale et universitaire et qui m’est toujours restée chère, malgré le fait que je l’ai quittée voici bientôt 30 ans.

Plaisir mais aussi bonheur de retrouver aujourd’hui des visages connus et inconnus, sympathiques et souriants de musiciennes et musiciens, de connaissances et amis quelque peu oubliés au fil des années.

Les années ont filé, les souvenirs persistent: et des noms tel que Bernard Chenaux, Eric Conus, Philippe Schaller, Damien Piller, Edouard Spicher, la famille Bertschy, et dans mon registre d’alors, les noms Herren, Stritt, Bise, et Granget – pour n’en citer que quelques-uns ne s’oublieront jamais.

Pourquoi évoquer des souvenirs présents dans la mémoire d’une minorité de musiciennes et musiciens conviés à fêter ensemble ce soir. Parce que tout mûrit ici-bas, le temps passe, les générations évoluent, mûrissent, certains deviennent musiciennes ou musiciens et puis ? L’être humain n’est jamais à bout de ses tâches. Ni de ses désirs ou de ses passions. Il y a toujours de quoi progresser.

Lors d’allocutions dans nos congrès médicaux, il est habituel de révéler ses conflits d’intérêt, c’est-à-dire ses relations avec le thème choisi pour l’exposé.
Et bien ce soir, je puis dire que j’ai quelques relations dans mon passé qui me permettent d’élaborer avec vous le thème musique et société.

La famille Carrel a depuis plus de 100 ans participé activement à la vie musicale fribourgeoise et genevoise. De nombreux membres de ma famille étaient d’actifs musiciens de fanfares villageoises en Sarine, dans la Glâne et la Broye fribourgeoise et même vaudoise. Mon grand-père a certainement été le musicien le plus actif: soldat trompette militaire il a passé une grande partie de la période de la 1ère guerre mondiale sous les drapeaux, membre de la fanfare du bataillon 15. Et puis les événements se répètérent, durant la seconde guerre mondiale ou il fût incorporé à la fanfare du bataillon territorial 163. Je peux m’imaginer que ces incorporations militaires ne disent plus rien du tout à personne ce soir, pour les générations précédentes, elles revêtaient une signification toute particulière.

A côté de ses obligations militaires, mon grand-père fût membre de la musique Landwehr de Genève de 1920 à 1935, puis après avoir rejoint Fribourg, membre de votre vénérable Corps de Musique de 1938 à 1955 sous l’experte direction de Monsieur Stoecklin et Philippe-Jules Godard. Le goût pour la musique a sauté une génération, c’est pourquoi j’ai eu le privilège d’hériter sa trompette, une Douchet de Paris datée de 1903.

Mon parcours musical fût beaucoup plus modeste: et pour le retracer, je suis presque obligé de faire un petit détour par la Colline du Belzé, là où trône depuis un demi-millénaire le Collège St-Michel.

En juillet de cette année, j’ai eu l’honneur d’être l’invité de ce Collège pour l’allocution lors de la remise des certificats de maturité. Quoi de plus naturel, en guise de préparation, que d’aérer le certificat qui m’avait été remis le 3 juillet 1978 par le Monsieur le Recteur André Bise et le Conseiller d’Etat Marius Cottier.

Le temps a laissé ses traces: le titre de ce fameux certificat n’est plus lisible du tout mais surtout quelle stupéfaction de constater pour la première fois 33 ans plus tard que qu’une erreur s’était glissée dans l’attribution des notes, puisque – ne sachant pas tenir un crayon ou un pinceau correctement, j’avais été crédité d’une note 6 pour le dessin. En fait j’avais suivi assidûment le cours de musique de Charles-Henri Bovet qui m’avait d’ailleurs transmis le virus des rythmes pour toujours et ouvert la porte à la Fanfare du Collège St-Michel, dont j’en fus membre de 1972 à 1978 et président au cours de l’année scolaire 1976-1977.

Ma faiblesse pour le dessin me fit suivre tout d’abord le cours de musique théorique comme option pour la maturité et plus tard d’embaucher un instrument au sein de la Fanfare du Collège.

Plus tard j’ai rejoint La Concordia pour y être membre actif de 1980 à 1992, les dernières années plutôt comme membre libre, un statut aimablement accordé par le président d’alors Philippe Schaller, en raison de mon parcours professionnel, qui m’a conduit à Bâle et à Zürich.

Et aujourd’hui, après avoir croché durant presque 20 ans, ce n’est toujours pas le crayon ou la gomme que je manie habillement entre mes doigts; mais plutôt le scalpel, la pincette et le porte-aiguille avec lesquels je répare les structures cardiaques dont certaines sont inférieures à un demi-millimètre. Un travail semblable à celui des horlogers, mais une fascination pour la science médicale surtout.

Et en médecine, il existe beaucoup de parallèles avec l’apprentissage d’un instrument ou l’étude d’une partition. Il faut dans l’une comme dans l’autre de ces activités exercer, exercer et encore exercer, répéter les gestes et les envolées de notes.

„Übung macht den Meister“ disent nos amis de langue alémanique, et bien, ceci est valable pour de nombreux domaines de la vie professionnelle et récréative.
Und manchmal muss man sehr auf die Zähne beissen, jeder Musiker weiss ja, dass regelmässiges Üben kein Zuckerschlecken ist.

Et finalement, pour utiliser une dernière comparaison, le résultat obtenu est en médecine comme en musique, le résultat d’une équipe, que l’on appelle un team à l’hôpital et un registre ou un ensemble en musique. L’individu doit crocher pour parvenir ou rester à la hauteur, mais l’individualité seule ne paie pas, ni en médecine, ni en musique.

Übrigens ich werde häufig befragt, ob ich bei einer Operation unterscheiden kann, ob es sich dabei um ein Frauen- oder Männerherz handelt. Diese Frage muss ich mit der Negative beantworten.

Hingegen kann ich bereits bei der Auskultation mit dem Stethoskop andere feine Unterschiede beobachten : Berner Herzen schlagen am langsamsten, das Basler Herz kennzeichnet sich durch einen regelmässigen „trommelartigen“ Schlag, und Zürcher Herzen kann ich ohne Stethoskop erkennen, weil sie am lautesten schlagen. Wie steht es mit dem Freiburger Herzen ?

Ich bin nicht ganz sicher, aber manchmal kann ich so etwas wie Dreivierteltakt erlauschen… oder ich höre eine schöne leise Melodie, könnte es le Ranz des Vaches sein ?

Warum dieser Exkurs. Weil ich seit 25 Jahren alternierend in den drei Städten Basel, Zürich und Bern gewohnt habe und ich glaube, ich darf es behaupten: Nirgendwo hat mich die Begeisterung der Bevölkerung für die Musik (und speziell für die Blasmusik) mehr beeindruckt als in Freiburg. Die musikalische Kultur ist hervorragend, das Angebot und die vielfältigen Möglichkeiten, sich in einem Ensemble einzubringen sind vielfältig wie praktisch nirgendwo anders.

L’origine de La Concordia, offre un des rares exemples fribourgeois connus de musiciens affiliés à un cercle, en l’occurrence le cercle de la Concorde fondé dans un esprit d’ouverture intellectuelle et professionnelle pour offrir de nouvelles possibilités d’occupation pour les jeunes du Quartier de l’Auge.
L’ensemble musical qui en découlera, La Concordia, sera le seul à subsister du mouvement lancé par le principal fondateur, l’abbé Kleiser. Depuis cette époque héroïque, la Concordia va passer du cercle paroissial à la fonction de musique officielle de la Ville de Fribourg et elle vas s’illustrer sous la baguette de chefs d’excellente réputation.

Le nom Concordia puise son étymologie du latin cum (avec) et cor-,cordis (le cœur). Je pars du principe que La Concordia fait de la musique avec du cœur. Et que je serais ce soir, en tant que chirurgien du cœur, une des personnes prédestinées pour vous parler du cœur. N’ayez aucune crainte, j’en resterai au sens figuré.

Dans le Larousse, le mot concorde signifie l’harmonie, l’entente ou même l’accord (nous voilà à nouveau en pleine terminologie musicale), même si à l’époque, le directeur regretté de la Fanfare du Collège St-Michel, Charles-Henri Bovet, préférait nous lancer – en début de concert – un „encordez-vous“ plutôt qu’un „accordez-vous“!

Revenons à la Concorde: vous le savez certainement, il existe à Paris une place appelée place de la Concorde, pour souligner l’entente politique entre les peuples et puis dans la même famille étymologique, il y a le mot concordance. La question qui se pose est alors: y a-t-il des parallèles entre la concordance sur le plan politique et sur le plan musical? Peut-être dirais-je: sur le plan politique, le terme est très à la mode actuellement, en raison des prochaines élections au CF. Le terme veut souligner le rapport entre la force des partis et puis sur le plan musical, la concordance est aussi nécessaire. On pourrait l’expliquer par le rapport existant entre la partition et les registres.

Bref, j’en tire la conclusion suivante, la concordance musicale est probablement de loin plus simple à régler que la concordance politique.

Sehr geehrte Frau Grossratspräsidentin,
Sehr geehrter Herr Präsident des Staatsrates,
Liebe Musikerinnen und Musiker,
Geschätzte Gäste und Freunde der Concordia,

Was mich heute Abend besonders freut und berührt, ist die grosse Anzahl fröhlicher und lachender Gesichter. Zufriedene Menschen, die für die Ältesten unter ihnen, seit Jahrzehnten zusammen musizieren. Gerade deshalb dürft ihr nie aufhören zu musizieren!

Le travail musical intense vous a conduit déjà plusieurs fois au succès. Vous avez fait preuve d’assiduité et d’efficacité. Ceci mérite respect et compliments.
Alors un bon conseil, dans tout ce que vous entreprendrez dans le futur de votre vie, allez jusqu’au bout !

Laissez-vous enthousiasmer par la musique et surtout aussi par la camaraderie. Très probablement, plus jamais vous n’en retrouverez une amitié aussi intense que dans une société de musique ou une équipe sportive.

En cultivant votre esprit par la musique, vous êtes un exemple pour les générations à venir, et ce sera très bientôt à vous de les motiver.

Liebe Musikerinnen und Musiker,

Seien Sie der Exzellenz verpflichtet und akzeptieren Sie keine faulen Kompromisse! Haben Sie keine Angst von ungewohnten Klängen, vor lauten Tönen, aber vergessen sie nie, die Harmonie, Konkondanz des Ganzen muss stimmen. In diesem Sinne : accordez-vous !

Je remercie le Président de La Concordia de m’avoir associé à cette soirée de fête, c’est avec un grand plaisir que j’ai traversé la Sarine pour vous rejoindre de
Berne.

Thierry Carrel,
2 décembre 2011


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